Cultures / Le LucaThéâtre présente sa Trilogie sportive - mardi 08 janvier 2013

Laurent Vercelletto, homme de théâtre et de conviction

APRES avoir appris son métier à la célèbre école de la rue Blanche (Paris, promotion 1972) avant que celle-ci ne déménage à Lyon pour devenir l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT), Laurent Vercelletto a amorcé sa carrière sous le signe de l’Attroupement. Cette compagnie a irrigué la vie strasbourgeoise, les scènes lyonnaises et jusqu’à la région marseillaise jusque dans les années 90, avec des spectacles revigorants et hauts en couleurs.

Certains se souviennent avoir vu l’acteur, alors trentenaire, incarner un Prospéro au verbe inspiré, dans “La tempête” de Shakespeare, où éclatait son talent, dans la mise en scène dénuée de (presque) tout artifice théâtral de Patrick Le Mauff.

Déjà, se manifestait régulièrement le désir de créer des spectacles alliés à des moments festifs, des lectures, des ateliers : toutes sortes de dispositifs et d’actions qui participent d’un rapport nouveau avec le public. Tout en gardant chevillée au corps la conviction que le théâtre est d’abord basé sur des textes – contemporains ou classiques, des plus grands aux plus subtils et moins connus. Citons parmi ceux que Laurent Vercelletto a mis en scène : Denis Guenoun, Jean-Yves Picq, Louis Calaferte, Agota Kristof, Serge Valletti, Luigi Pirandello, Philippe Vincenot, Bernard-Marie Koltès, Albert Cohen...

Chez Laurent Vercelletto, cette manière de faire a perduré. A près de soixante ans, il a entamé depuis 2010 une nouvelle vie artistique à Vaulx-en-Velin, en multipliant les ouvertures sur une ville qu’il aime et qu’il estime “passionnante, avec de multiples potentialités l’œuvre”. L’homme de théâtre n’a jamais perdu de vue l’idée de se frotter à la réalité, et donc à la société qui s’élabore à l’échelle de la cité. S’il recherche l’excellence, c’est pour la mettre à la portée de tous, sans démagogie ni emphase.

On l’a vu récemment entrer dans une colère homérique quand l’Inspection académique a pris la décision administrative de fermer l’atelier théâtre du collège Valdo, l’un des trois ateliers théâtre mis en place depuis 2010 : “Pensez-vous que les choses se soient construites toutes seules, que ces ateliers se soient mis en place facilement ? a-t-il écrit dans une lettre rendue publique. D'un simple trait de plume, vous cassez une véritable dynamique dans des territoires parmi ceux qui ont le plus besoin de la présence du théâtre. Le théâtre, c’est avant tout le texte, la langue française portée à son point d’incandescence. Dans les quartiers de Vaulx-en-Velin, il y a une grande nécessité de remettre la langue française au centre de l’école. Nous y oeuvrons pour notre modeste part en étant partenaire des ateliers-théâtres, et aussi avec notre programme de lectures « Arts du récit »,  et enfin avec le projet de lecture à haute voix à destination des 6è”.

Suite à cette lettre, l’inspecteur a fait machine arrière. Les trois ateliers fonctionnent dans les collèges Valdo, Duclos et Barbusse, ainsi que l’option théâtre du lycée Doisneau.  Tous font le plein d’élèves motivés qui se frottent chaque année à la thématique artistique déployée par Laurent Verceletto et les comédiens du LucaThéâtre.

L’an passé, la compagnie a empoigné le Tartuffe de Molière en apportant la démonstration, devant un public vaudais conquis, qu’une telle pièce n’avait pas pris une ride quant au fait de dénoncer les imposteurs et les bigots. Le succès artistique ne devrait pas se démentir lors de ce début de saison 2013, sous les auspices de la pratique sportive grandeur nature, revisitée sur la base de textes d’écrivains épris de sport. On peut gager que l’équipe artistique et technique du LucaThéâtre, dont beaucoup sont embarqués depuis longtemps avec Laurent Vercelletto, comme le décorateur Charles Rios ou l’excellent comédien Philippe Vincenot, sauront tirer parti d’un tel thème. C’est du croisement des expériences artistiques et de la confrontation avec le public que naissent les plus belles rencontres.

 Françoise Kayser