Actualités / Société - mardi 01 avril 2014

Anaïs Nellée : “Mes jumeaux sont autistes”

ANAÏS NELLÉE habite une charmante villa des années 60 du côté du Village, avec jardin et toboggan. Elle était aide-soignante, mais depuis la naissance des jumeaux, impossible de concilier vie familiale et travail. Son mari, Jean-François, travaille comme agent hospitalier. Sacha la grande sœur, 6 ans, a 11 mois d’écart avec ses frères autistes, Tristan et Robin. Les parents se soutiennent dans “l’organisation qu’il a fallu créer autour des jumeaux”. Une organisation qui rassemble aussi la mère d’Anaïs – qui ne travaille plus qu’à 80 %, pour aider sa fille – et sa meilleure amie, Martine. Pour étayer cet entourage affectif, veiller et encadrer les deux garçons sans relâche, jour et nuit, tout un maillage s’est mis en place : dans le quartier, à l‘école, au centre médico-psychologique (CMP) de Vaulx, jusqu’au service d’éducation spécialisée de Villeurbanne(1).

Des professeurs formés à l’autisme

On se demande, en voyant cette jolie femme douce et soignée, à l’image de sa maison, comment Anaïs trouve les ressources nécessaires pour faire face aux multiples et incessantes questions qui se posent. Au fur et à mesure que Tristan et Robin ont grandi, il a fallu trouver une crèche, ce fut avec l’association La souris verte  puis, “une école remarquable, Anatole- France, où tous les professeurs ont été formés à l’autisme”.

Pendant que nous parlons, Tristan et Robin passent avec leur grand-mère : très intéressés par l’objectif de l’appareil photo. Certains autistes arrivent à avoir une vie normale et autonome, d’autres développent des compétences extraordinaires, d’autres restent murés en eux. Tristan et Robin, eux, viennent juste d’être propres. Et depuis un mois, ils font leurs nuits. C’est l’un des symptômes de l’autisme : des bébés qui ne dorment jamais. Chaque parent peut imaginer la fatigue qui s’ensuit. “Pendant des mois, on a enlevé les ampoules, on a dormi avec eux, au pied du lit.”

Une renaissance

A la maison, il y a aussi une chienne affectueuse, un chat qui ronronne et un gros cochon d’Inde... “La présence d’animaux est bénéfique pour tous les enfants, les autistes en particulier”, commente Anaïs, qui a accumulé les connaissances sur ce handicap. Dès que le diagnostic a été posé, les jumeaux avaient déjà deux ans et demi. “Ça a été une renaissance”, affirme-t-elle. Le couple a accueilli la nouvelle avec soulagement.

Depuis, ils se mobilisent sur la connaissance de ces troubles du développement et sur les thérapies les plus adaptées. Leurs voisins, informés de leur situation familiale, les ont soute- nus par une pétition, si bien que l’école maternelle a pu embaucher deux auxiliaires de vie scolaire, une pour chaque enfant.
Anaïs a clairement conscience que sa vie est façonnée par l’attention portée à ses fils : elle s’est “immergée, dit-elle, dans le monde autistique”. Elle n’en oublie pas pour autant son aînée, une fillette souriante et pétillante. “Plus je sais des choses sur leur autisme, moins il y a de troubles chez les jumeaux, affirme-t-elle. Ce qui est banal chez n’importe quel enfant prend une autre dimension chez eux. Avant de savoir qu’ils étaient autistes, on comptabilisait tout ce qu’ils ne savaient pas faire. Maintenant c’est l’inverse. Chaque acquisition est une victoire”.

Des êtres extraordinaires

“La première fois qu’ils vous regardent dans les yeux...” Anaïs en parle avec émotion dans la voix. Robin met ses chaussures tout seul maintenant et Tristan a prononcé deux-trois mots ces derniers jours. Les jumeaux ont une bonne ouïe et comprennent un langage simple, dérivé de la langue des signes. Il se peut qu’ils se mettent à parler vraiment, avec le temps : “Ils apprennent chaque jour, à la maison comme au centre de soins, à avoir un comportement adapté à chaque circonstance”.

Anaïs vient de terminer un petit document multimédia, intitulé Extraordinaire. “J’aime ce mot qui convient bien à mes fils, ce sont des êtres extraordinaires”, confie Anaïs. Elle va bientôt parler de l’autisme de ses fils à un groupe d’élèves du collège Barbusse. Le collège mène beaucoup d’actions de sensibilisation aux situations de handicap. Pour Anaïs, ce sera la première fois, mais sûrement pas la dernière. Son expérience la rend de plus en plus affirmée dans ses convictions : “Plus les parents et l’entourage seront informés, meilleure sera la prise en charge”. L’entourage, c’est la société toute entière : en France, un enfant sur 150 serait atteint de troubles autistiques.

Françoise Kayser

(1)Dans chaque département, le Sessad (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile) accueille des jeunes de 0 à 20 ans, atteints de déficiences intellectuelles ou motrices et de troubles du caractère et du comportement.

Photo © Marion Parent

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