Portraits / JOURNAL N°110 - mardi 03 mars 2015

Marie-Louise Collin, sur la vie de mon frère

ELLE NE SE LASSE pas de la vue de son appartement d’où l’on observe la zone maraîchère, le clocher de l’église, ou encore les collines de Lyon. Comme autant de références à son parcours, et à ceux de sa mère, débarquée seule à Vaulx en 1932 avec ses cinq enfants sous le bras et le sixième en route, et de son frère, entré en Résistance en 1943. Sur son buffet quelques objets rappellent le souvenir de ce dernier. “Mes petits enfants étaient curieux d’en savoir plus sur leur grand-oncle. Alors j’ai sorti son portrait, ses lunettes brisées et sa pipe cassée”, explique cette grand-mère en ouvrant “son livre de Vaulx-en-Velin”, un gros album rehaussé d’aquarelles, où l’histoire de sa commune s’entremêle à celle de sa famille. “UN jour, ma maman m’a embarqué pour une promenade à la Tête-d’or. On y a rejoint un ouvrier qui n’était pas sans me rappeler quelqu’un. C’était mon frère, grimé pour passer inaperçu et à qui elle a donné une grosse gamelle de ragout pour nourrir son réseau. C’était le chat qu’elle avait cuisiné”, rigole-t-elle avec ce franc sourire hérité de sa mère courage “qui savait tout faire” et de ce frère “qui faisait le bien autour de lui”.

L’arrestation

Le 9 mai 1944, les allemands découvrent chez eux, armes, journaux clan- destins et tracts. Déjà arrêté à plu- sieurs reprises, Robert Lagès s’en était toujours sorti. Pas cette fois. Il est déporté. Montluc, Compiègne, puis l’Allemagne. sur le chemin, il adresse quelques mots à sa famille. “Je pars en camp de concentration, ce sera relative- ment une vie meilleure”. puis, plus rien. “Un matin, j’ai vu un inconnu débarqué, l’air exténué, explique la Vaudaise. C’était mon père, qui avait fait 85 kilomètres à pieds pour dire à ma mère qu’il avait rêvé de Robert. Elle aussi avait fait le même rêve, la même nuit.” Comme un pressentiment. Quelques mois plus tard, un cousin qui a assisté au calvaire de Robert, leur apprend que le résistant est décédé dans le train de la mort, en avril 1945. “Savoir nous a permis de faire le deuil”, estime-t-elle. Après la guerre, Marie-louise devient préparatrice en pharmacie, puis multiplie les boulots pour nourrir ses trois enfants qu’elle élève seule. Désormais, elle tricote, peint et écrit ses souvenirs. Jamais, elle ne sombre dans la morosité. “Il ne faut pas se laisser aller!”, assène-t-elle avant d’ajouter sa volonté “d’être une lumière pour les autres”. Des leitmotivs eux aussi hérités du destin de ses deux figures tutélaires.

M.K

Un sourire à décrocher la lune et un optimisme à toute épreuve. C’est avec ces armes que Marie-Louise Collin, 82 ans, entretient le souvenir de Robert Lagès. 

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