Actualités / Société - mardi 16 octobre 2012

Le service public de l’eau, dans les mains du privé ou du public ?

Quid de la gestion de l'eau dans le Grand Lyon en 2015, quand la délégation de service public confiée à Veolia, Suez et la Saur arrivera à échéance ? Trois grandes options s’offrent aujourd’hui aux décideurs : la délégation à un opérateur privé unique (délégation de service public ou DSP) ; le retour en régie publique(1) ; la société d’économie mixte – une gestion associant public (production d’eau potable) et privé (distribution) ; ou un mixte associant privé et public avec répartition géographique.
“La décision qui va être prise par le Conseil communautaire le 12 novembre représente un engagement pour au moins douze ans, sur un dossier qui se monte à plus d’un milliard d’euros”, souligne le collectif EGSP69(2). Celui-ci fait campagne depuis juin 2011 pour que l’eau du Grand Lyon redevienne le bien commun des habitants. Il défend l’idée du retour en régie publique de la production et de la distribution de l’eau. “Toutes les villes qui ont déjà fait ce choix font la preuve que c’est le mode de gestion le plus efficace, le plus juste socialement, le plus économique financièrement”, dit Jean-Michel Drevon, porte parole du collectif. Quand de plus en plus de villes françaises reviennent en régie publique, le Grand Lyon pourrait lui aussi décider de municipaliser à nouveau l’eau, et mettre ainsi fin aux marges excessives qui bénéficient à Veolia (85 % du marché), Suez (15 %) et la Saur, dernièrement entrée dans le jeu. Mais le président du Grand Lyon, Gérard Collomb, ne semble pas prêt à faire le pas. A plusieurs reprises, il s’est dit favorable à la concession (DSP), se targuant de défendre les grands groupes français qui permettent de rééquilibrer la balance commerciale du pays.
“Il fait le plaidoyer des partenariats public-privé. Choisir la DSP plutôt que la régie est un choix politique. Ça n’est pas le fait d’une différence significative de coût pour l’institution. Il n’y a pas d’argument économique qui tienne” dit de son côté Alain Touleron, conseiller municipal de Vaulx délégué à la Citoyenneté et conseiller au Grand Lyon, en ajoutant : “Il est important que les villes de l’agglomération et leurs élus prennent position”. Des voeux ont déjà été exprimés en conseil municipal à Vénissieux, à Vaulx lors du conseil du 10 octobre. Une délibération a été soumise à Grigny.
Faut-il rappeler que chaque maire est responsable du choix et de l’organisation du service public de l’eau pour répondre au mieux aux besoins de sa commune ? Importe-t-il de défendre les intérêts de la population où ceux d’une multinationale ? L’usager a-t-il à sponsoriser les majors de l’eau pour qu’elles étendent leur emprise mondiale ?
“Un tel enjeu doit être au coeur d’un débat public” affirme Maurice Charrier, vice-président du Grand Lyon. “Aucun document officiel n’est sorti, déplore Jean-Michel Drevon. C’est aberrant sur le plan démocratique”. La concertation existe ailleurs, des référendums s’organisent dans certaines villes. Un grand débat a lieu en ce moment même à Lille Métropole, en prévision de l’échéance du contrat avec Suez en février 2015. “Le retour en régie est en débat partout en France, dès que se pose le choix du mode de gestion après l’échéance des contrats léonins en cours… Mais pas au Grand Lyon où on parle de tout sauf du mode de gestion”, dit de son côté Jean-Louis Linossier de l’Association des consommateurs d’eau du Rhône (Acer), en dénonçant
une “situation surréaliste”. C’est dans ce contexte que la Commission consultative des services publics locaux du Grand Lyon devra aviser sur le choix de la délégation du service public le 26 octobre.
“Toujours à la communauté urbaine, un groupe politique a été constitué, il y a plus de six mois, pour travailler sur la question. Il a refusé de nous rencontrer, poursuit Jean Michel Drevon. Ce groupe a eu entre les mains un rapport établissant la comparaison chiffrée des modes de gestion, avec l’interdiction de communiquer ces éléments à quiconque!”. Le collectif n’en démord pas : “Nous voulons que le rapport d’expertise nous soit communiqué et nous continuons à exiger une discussion sur le mode de gestion”.
L’enjeu dépasse la seule question de la baisse du prix de l’eau. “Sont aussi en jeu, la hausse des travaux d’entretien du réseau, la transparence, le rôle des associations d’usagers, la tarification sociale, l’incitation à l’économie, la lutte contre les pollutions…” fait observer le groupe Gauche alternative, écologique et citoyenne (Gaec) du Grand Lyon, groupe auquel appartiennent les deux élus Vaudais, Maurice Charrier et Alain Touleron. La décision prise pourra être remise en cause jusqu’à la signature en 2015, assure le collectif.

(1)Régie publique : la puissance publique assure directement, par le moyen de ses propres services, l’exploitation quotidienne du service public.
(2)collectif EGSP69 : CGT69, Ugict-CGT Grand Lyon, FSU69, Solidaires69, Acer, Attac, CDAFAL du Rhône, CNL, CGL, CSF, LDH, MFPF, Stop au gaz de schiste 69, Cidefe, Covra, Initiative citoyenne Vaulx-en-Velin, Gaec, PS, EELV, PCF, PG, Les Alternatifs, GU, GA, Fase, NPA, Les Jeunes radicaux
de gauche 69.

Sous contrat avec des acteurs privés jusqu’en février 2015, le Grand Lyon décidera du futur mode de gestion de l’eau potable pour l’agglomération, le 12 novembre prochain. Si des citoyens crient haut et fort que l’eau n’est pas une marchandise et que ce bien commun ne doit pas être confié à des marchands, le Grand Lyon affirme lui : “L’eau n’est pas une marchandise comme les autres”. La nuance en dit long sur le choix politique qui se joue
actuellement.

Dossier réalisé par Fabienne Machurat

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